L’Arbre Vert à Berrwiller………
…….. il y a ceux qui connaissent et qui savent ………
……… et il y ceux qui ne connaissent pas
…. et qui imaginent peut être, un petit bistrot, dans un village d’Alsace, où les habitués viennent boire un coup……
Dès la porte franchie, on comprend, que la réalité est toute autre. Immédiatement happé par le lieu, cosi et chaleureux, on est accueilli avec beaucoup de gentillesse et de simplicité, dans un décor sobre, mais chic et soigné. Et l’étonnement n’a de cesse, car il se poursuit à la lecture de la carte puis à l’arrivée de la farandole d’assiettes.
Celles-ci vont se succéder, pour le plus grand plaisir des yeux et des papilles, plus travaillées et plus savoureuses les unes que les autres , vous laissant sans voix et vous transportant dans le monde parallèle de la vraie gastronomie.
Sous l’arbre vert, où il fait bon se poser, gastronomie et accueil familial ne sont pas de vains mots, mais un vrai art de vivre. Le maître des lieux, Matthieu Koenig m’a gentiment reçue et nous livre son histoire en toute simplicité.
Un chef pour 5 femmes
L’histoire a commencé ….. on ne sait plus vraiment quand : « La généalogie ne me passionne pas et les dates c’est pas mon dada » explique le chef, avec un grand sourire….
On dira donc… il était une fois … Marie-Rose, qui, a côté de la ferme familiale a ouvert un petit bistrot. Les mineurs venaient y boire leur café/rhum avant d’aller au travail et un petit coup de rouge après le boulot.
Puis Rose, sa fille, a pris la suite. Ce fut ensuite Rosa, la grand-mère de Matthieu, qui, la première, est passée derrière les fourneaux, en 1924, pour proposer des menus du jour. « Elle cuisinait très bien » raconte Matthieu, « des choses très classiques comme le pot au feu, les fleischschnakas, la choucroute. Une cuisine traditionnelle, parfois un peu bourgeoise avec le poulet rôti ou son fameux saumon. A l’époque, tout était fait maison et les légumes venaient de la ferme. On n’a rien inventé aujourd’hui en retournant aux produits locaux. Je me souviens que nous allions faire les courses uniquement pour chercher le poisson chez Wurtz à Colmar. Tout le reste était produit ou acheté localement. «
Après Rose, c’est Odile la tante de Matthieu qui est passée derrière les fourneaux et sa soeur, Marie-Thérèse, la maman de Matthieu, a pris en charge la salle. Deux femmes incroyables, qui à respectivement 88 et 82 ans sont toujours aux côtés du chef. Car si Odile a laissé les fourneaux à Matthieu en 1991, elle s’occupe toujours de la vaisselle avec sa fille » Je suis obligée » confie la dynamique octogénaire en riant, « On ne trouve personne de sérieux qui fasse correctement les casseroles « . Et l’équipe est unanime et confie avec humour » Le chef ne crie jamais, mais parfois Odile crie avec le chef ! »
Odile, la tante de Matthieu, Marie-Thérèse, la maman
Le petit bistrot de Marie-rose, Rose, Rosa , Odile et Marie-Thérèse est désormais devenu grand. Une salle a été rajoutée en 1968, l’enclos à cochons a laissé la place à une belle cave et le restaurant peut désormais accueillir une soixantaine de personnes à la carte, un peu plus en banquet avec une équipe d’une dizaine de personnes.
Tombé dans la marmite tout petit
Pour Matthieu, il n’y a jamais eu de doute, c’était une évidence de poursuivre la saga familiale « j’ai eu beaucoup de chance, lorsque j’étais petit, papa m’a fait découvrir de belles cuisines. Lorsque nous descendions dans le sud, nous nous arrêtions toujours dans de grandes maisons comme chez Fernand Point ou chez Denise et Michel au Lavandou. A l’époque, j’étais très difficile et je ne mangeais presque rien, j’en profitais donc pour passer le temps du repas en cuisine et observer ces impressionnantes brigades de 20/25 personnes à l’oeuvre. »
Un petit garçon difficile
On a un peu de mal à le croire aujourd’hui, Matthieu, un petit garçon, qui ne mangeait rien ou presque. En réalité, il mangeait uniquement ce que préparait sa grand-mère. « Et parfois pour varier… des pâtés Olida » mais il tient à préciser qu’ » à l’époque ils étaient bien meilleurs que les boites d’aujourd’hui… » Saucisson, charcuterie, munster, pâtés Olida et la cuisine de sa grand-mère ont donc été la seule alimentation du jeune Matthieu jusqu’à son entrée au lycée hôtelier.
Sauvé par le lycée hotelier
« Le lycée hôtelier m’a sauvé » raconte le chef « j’y ai appris à tout manger. L’internat était très carré, nous n’avions pas le droit d’avoir des provisions dans les armoires. Donc, soit on mangeait ce qu’il y avait à la cantine, soit on avait très faim! »
Pourtant si Matthieu a toujours su ce qu’il voulait faire, intégrer le lycée hôtelier n’a pas été une mince affaire. Il a du affronter, avec ses parents, les conseillers d’orientation, qui ne voulaient pas respecter ses voeux d’orientation car il était trop bon élève. « Mais mes parents ont tenu bon , heureusement! »
Un premier stage de découverte au Cheval Blanc à Westalten chez Gilbert Koehler, a conforté Matthieu dans son choix « ma première mission, le premier jour, a été de réaliser une grande tour d’écrevisses, aujourd’hui ce serait hors de prix. » A 15 ans, il intègre donc pour 3 ans, le meilleur lycée hôtelier de France de l’époque, à Illkirch. « A ce moment là, il y avait beaucoup plus de demandes qu’aujourd’hui, environ 1000 pour 64 places! » Un premier stage l’emmènera du côté de Aups, au pays de la truffe puis à Obernai au Nid de Cigogne. Titulaire de son brevet de technicien hôtelier, il est prêt pour le monde du travail…. ou presque » Nous avions beaucoup d’heures de cours mais peu de pratique. Il me restait beaucoup de choses à apprendre une fois diplômé. Nous étions des commis de cuisine avec des gestes d’écolier. »
Rendez-vous ratés, mais belles rencontres
Le premier souhait de Matthieu , a été de travailler à L’Auberge de L’Ill. « A l’époque, les étoiles étaient légion autour de Colmar, mais j’ai toujours eu un faible pour cette belle maison. » Cependant à ce moment là, aucune de place de commis à l’Auberge n’est disponible. Ce sera donc dans une autre belle maison, Aux Armes de France chez Philippe Gaertner,qu’il prendra son premier poste. « 2 semaines plus tard , l’Auberge me contactait. Une place de commis c’était libérée. Mais quand ils ont su que j’étais chez leurs amis, ils n’ont pas voulu que je change« .
Des regrets? Matthieu n’en a pas « ça m’aurait vraiment plu, c’est le plus ancien 3 étoiles de France et la famille Haeberlin est une vraie institution. Mais c’est que ça ne devait pas être. » Sollicité il y a quelques années, pour participer à la confection d’un repas au profit l’Association Epices crée par Isabelle Haeberlin, Matthieu a réalisé son premier voeu et a pu oeuvrer dans les cuisines de l’Auberge » Un moment émouvant et un très bon souvenir. J’y vais de temps en temps pour y manger, et traverser les cuisines est à chaque fois impressionnant. »
Après une année aux Armes de France, il travaillera pendant 6 mois à Ribeauvillé chez Joseph Matter à l’hôtel Les Vosges « Un monsieur passionnant, assez pêchu mais tellement reconnaissant quand tout allait bien«
A ce moment là, il n’y avait pas encore les marchés de Noël et il ne se passait pas grand chose dans le vignoble en hiver. Souvent les restaurants fermaient pendant 2 mois. Joseph Matter a donc trouvé une place pour son commis, au Luxembourg, chez Michel Bering, ancien second de Roger Verger du Moulin de Mougins « Il pratiquait une cuisine hyper précise, pointue, ce séjour reste un très bon souvenir. » Un court séjour qui va se prolonger « grâce à un échange avec un commis japonais. » Mais une lettre de France mettra fin à l’aventure luxembourgeoise « le 2 août, je devais me présenter à Strasbourg. » L’heure du service militaire avait sonné ! Pas très motivé pour aller crapahuter avec un fusil, Matthieu sera, au dernier moment sauvé, par … Joseph Matter, qui lui trouve une place de cuisinier auprès du général qui commandait la 3ème division blindée de Fribourg « Une année tranquille. J’ai eut le temps de découvrir Fribourg qui est une très belle ville. De temps en temps, il fallait tirer avec le fusil mais le reste du temps, c’était la planque. 3 cuisiniers, 3 serveurs et des produits illimités permettaient d’organiser de belles réceptions. » Lors de l’une de ces dernières permissions, à l’assemblée générale des sommeliers d’Alsace à Phalsbourg, avec son père, ils rencontrent Emile Jung. « Nous lui avons demandé s’il ne cherchait pas un cuisinier. Il réouvrait son restaurant le 1er août et moi je finissais l’armée le 27 juillet. J’ai eu la chance d’arriver au Crocodile avec les 3 étoiles. On était complet pratiquement tout le temps. C’était une super expérience de goût et de précision . »
Et Matthieu est toujours en admiration devant le chef « Monsieur Jung est pour moi le meilleur cuisinier, notamment au niveau des assaisonnements. A l’époque, il a eu 3 étoiles pour ses incroyables sauces. Tout ce qu’il y avait dans l’assiette avait un goût extraordinaire. J’ai appris énormément avec lui, il avait toujours une dernière petite touche à ajouter, qui sublimait le plat, un petit jus de citron, une réduction d’Orangina, un dernier petit truc qui apportait du pep’s. » Avec Emile Jung, Matthieu a également pu partir à Bangkok pendant 15 jours faire des démonstrations culinaires, à l’hôtel Oriental, alors meilleur hôtel du monde. « Pour un gamin qui a grandi à Berrwiller, arriver là bas a été incroyable : des cuisines grandioses, des équipes immenses, il y avait 10 personnes uniquement pour faire des sculptures de glace. » On lui a proposé de prolonger son séjour « mais Mr Jung n’était pas très voyageur et ne voulait pas revenir une fois par mois pour faire le point. » Ce sera donc retour au Crocodile où il restera 1 an et demi. Du Crocodile au Plaza à New-York, sa destination suivante, il n’y avait qu’un pas……
» Mais George Bush et Saddam Hussein en ont décidé autrement…. » Le chiffre d’affaires du Plaza à New-York ayant chuté suite aux événements internationaux, il n’y a plus eu d’embauche d’étrangers. « Martin, mon ami, qui devait partir en même temps que moi à Los Angeles, est parti et n’est jamais revenu. Moi je ne suis jamais parti. » Des regrets ? « non, j’ai eu des petits soucis de santé par la suite et il valait mieux que je sois en France à ce moment là. » Et puis d’autres rencontres viendront enrichir son parcours, comme les 9 mois passés chez Alberto Bradi à Colmar « un endroit où j’ai appris énormément de choses » et puis à Zermatt à l’hôtel Monterossa chez la famille Seiler » si j’étais parti à New-York je n’aurais jamais connu Zermatt, mon paradis. »
Retour aux sources
Après une saison à Zermatt, c’est le retour au bercail « Ma tante Odile a eu une alerte de santé et je suis rentré reprendre la maison. » Heureusement l’alerte s’est avérée fausse et le 1er juillet 1991, Matthieu et Odile ont donc repris ensemble les cuisines de l’Arbre vert. « Au début on n’a pas fait de grands changements. Les gens me demandaient la cuisine du Crocodile. Mais on était 2 en cuisine au Crocodile 18, il y a des choses qui ne sont pas possible. On a démarré tranquillement en rajoutant petit à petit de la difficulté, du personnel et finalement, nous avons trouvé notre rythme de croisière avec une équipe d’une dizaine de personnes depuis 10 ans.«
Autrefois, à l’Arbre Verte, il n’y avait pas de carte, uniquement un menu du jour le midi, et le soir des bus en excusions, le samedi des mariages. Désormais le restaurant arbore une belle carte, mêlant savamment tradition et modernité, terroir et cuisine du monde. Les gourmets gourmands peuvent venir déguster de bons produits sublimés par le talent du chef, qui sait marier en toute simplicité les saveurs avec beaucoup de justesse. Une belle carte de vins permet d’accompagner chaque plat avec le vin en accord « Nous n’avons pas de cave exceptionnelle » affirme humblement le chef « juste une belle cave, où chacun peut trouver de quoi se faire plaisir. »
Une cave créée et gérée pendant de nombreuses années par Robert le papa de Matthieu. Car fin connaisseur, Matthieu a été à bonne école, avec un papa, épicurien et gastronome. » Il n’était pourtant pas issu de la gastronomie, il a toujours travaillé dans l’industrie » raconte Matthieu » dans une entreprise qui fabriquait des vannes pour la chimie et le pétrole. Mais dans le cadre de son travail, il a été amené à beaucoup voyager. De nombreux déjeuner d’affaires ainsi que des formations ont fait de lui un vrai spécialiste. Il a été l’un premiers non sommelier a être admis dans l’association des sommeliers d’Alsace qui ne s’ouvrait alors qu’assez peu aux non professionnels. » Décédé à l’âge de 79 ans, en octobre dernier, Robert a transmis son savoir à son fils mais lui a également donné le goût de la générosité et du partage. Car en plus de gérer son restaurant, Matthieu est engagé sur de nombreux fronts, pour la promotion de son métier d’une part mais également pour aider les démunis.
Un chef engagé au grand coeur
Membre de la Fédération des Chefs de Cuisine d’Alsace, des Etoiles d’Alsace, du Club Prosper Montagné, mais également Maitre Cuisinier de France, délégué Grand Est et Maître restaurateur, Matthieu trouve aussi le temps pour participer à des action caritatives comme avec Nicolas Riffel contre le Cancer ou avec le Secours Populaire au Bredala Challenge. « J’adore l’associatif et j’adore faire avancer et promouvoir notre profession. » Et affichant son indéfectible sourire il confie « je suis quelqu’un de plutôt sociable, avant de taper sur la table j’essaie de trouver des solutions, j’écoute l’avis de tout le monde puis je garde le plus intelligent et en général ça marche. » Et lorsqu’on lui demande s’il reste un peu de temps pour des passions et des loisirs « Skier à Zermatt, voyager et voir amis. » fusent sans hésitation. S’il se rend dans ce qu’il appelle son paradis dès qu’il le peut pour skier, « pour l’après-ski aussi, je le pratique très bien également ! »
Matthieu qui parle 4 langues aime aussi voyager en France et dans le Monde et profite de chaque déplacement pour découvrir de nouvelles saveurs. La Nouvelle Zélande, l’Argentine et l’Afrique du Sud sont les rêves qu’il n’a pas encore réalisés. » Que des caps au bout des continents, j’ai encore envie d’aller loin! « Mais le plus important pour Matthieu sont certainement ses nombreux amis, ceux qu’il a gardés depuis son enfance et ceux rencontrés tout au long de son parcours de vie. De bons petits plats, de bonnes bouteilles et une poignée d’amis, la recette idéale pour rendre ce chef heureux.
Matthieu Koenig a volontiers partagé avec nous une de ses recettes préférées
Le presskopf de poulet fermier
Ingrédients
Pour le presskopf 1 poulet fermier d’Alsace 200 g de foie gras 2 carottes 1 petit céleri 1 poireau 1 botte de persil plat 8 feuilles de gélatine
Pour la salade de choucroute 200 g de choucroute cuite croquante 1 càs de vinaigre de miel 3 càs d’huile de noix sel poivre du moulin
Préparation
Vider et ficeler le poulet. Eplucher, laver et tailler les légumes comme pour un pot au feu. Mettre les légumes et le poulet dans une cocotte, couvrir d’eau à niveau. Assaisonner. Laisser cuire à petits bouillons pendant 1h30. Laisser tiédir le poulet et les légumes puis tailler la volailler et les légumes en petits cubes. Hacher la chair du poulet. Mélanger le poulet, les légumes et le persil dans un saladier. Dans un plat rectangulaire disposer une couche de volaille et légumes puis des tranches de foie gras et terminer avec le reste de mélange. Filtrer le bouillon tiède et en prélever un demi litre, y ajouter les feuilles de gélatine préalablement ramollie dans de l’eau froide et essorée. Une fois la gélatine dissoute dans le bouillon, rectifier l’assaisonnement puis le verser hauteur du mélange. Mettre au réfrigérateur au moins 6h, l’idéal est de le réaliser la veille le presskopf sera plus ferme.
Pour la salade de choucroute, cuire la choucroute avec du vin blanc, des baies de genièvre et du cumin pendant une trentaine de minute. Une fois refroidie lui ajouter une vinaigrette réalisée avec l’huile de noix, le vinaigre de miel, salée, poivrée.